Description Gérard Longuet
Ces faits, susceptibles de constituer les délits d'abus de biens sociaux et complicité, de faux et usage de faux et de recel de ces infractions apparaissent relever de la compétence de la Cour de justice de la République. » Fidèle à sa réputation, le juge Renaud Van Ruymbeke n'y va pas par quatre chemins judiciaires. Repassant un dossier sensible à un collègue de Nanterre, le juge Philibeaux, il propose tout simplement d'expédier en Haute Cour Gérard Longuet, ancien ministre de l'Industrie, démissionnaire du gouvernement Balladur, et Alain Madelin, actuel ministre de l'Economie et des Finances, pièce principale du gouvernement Juppé. D'autres personnalités, à des titres divers, pourraient également être impliquées dans cette rocambolesque affaire.
C'est l'histoire d'un mirifique contrat industriel signé avec un émirat où valsent milliards, argent public et fortes commissions. Une affaire également très française, où, malgré l'une des meilleures technologies du monde, une société privée, nationalisée sous la gauche, puis reprivatisée, engloutit des sommes folles. L'Etat la soutient. Les politiques s'en mêlent pour faire payer le pays débiteur, ce qui est normal. Plus surprenante, en revanche, l'apparition d'un intermédiaire, proche du pouvoir, qui récupère via le Panama, la Suisse et le Luxembourg de confortables commissions. Enfin, ces « coms » ont été accordées le plus légalement du monde par le ministre des Finances de l'époque, Edouard Balladur. Bref, un mauvais compte d'Orient qui coûte très cher au contribuable. Mais, comme aimait à le dire feu Alexandre de Marenches : « L'argent ne se perd jamais, il change de poche... » Voici le récit complet de cette histoire exemplaire.
En janvier 1983, la société La Signalisation, filiale de la CGCT (Compagnie générale de construction téléphonique), remporte un contrat en or : la refonte du réseau téléphonique de la capitale du Koweït, Koweit City. Un marché de 450 millions de francs. Alléluia, comme on ne dit pas au Koweït ! Malheureusement, très vite, la société française prend du retard dans les travaux. Elle avait, semble-t-il, sous-estimé l'importance du chantier et la nationalisation l'a privée du soutien d'autres filiales. Elle appelle à l'aide le ministère des P et T, qui intervient en force : près d'une centaine de missions d'assistance sont expédiées au Koweït pour prêter main- forte à La Signalisation.
Grâce à ce soutien, les travaux sont terminés en janvier 1987. Et les Koweïtiens possèdent actuellement, dit-on, le meilleur réseau téléphonique du Golfe. Mais la facture est salée. De 450 millions de francs, elle est passée à près de 800 millions. Du coup, le Koweït exige de considérables pénalités de retard et bloque des cautions bancaires.
La Cour des comptes, qui se penchera plus tard sur ce dossier dans un rapport naturellement non publié, se montrera terriblement sévère pour certains dirigeants de La Signalisation. D'abord, la Cour flaire - mais sans preuve - que des commissions sur ce marché auraient été récupérées par le gouvernement socialiste d'avant mars 1986. Mais, surtout, la quatrième chambre de la Cour envisage de saisir la justice, car certaines « fautes » qu'elle a épinglées ne relèvent pas seulement, selon elle, d'« une grande incompétence ou d'un laxisme certain dans la conduite du chantier [...], mais sont susceptibles de constituer des abus de biens sociaux ». L'affaire, pourtant, n'ira pas plus loin. Reste à faire payer les Koweïtiens, malgré les retards accumulés.
La course après les milliards
La Signalisation engage donc, en mars 1985, les services d'un intermédiaire suisse, la Société Egecena, qui, moyennant une commission de 18,5 % sur la récupération des paiements du MOC (le ministère koweïtien des Communications), se fait fort d'obtenir le règlement intégral du marché. En vain, semble-t-il. Les responsables français, comme c'est leur rôle, vont à leur tour se livrer à d'« amicales pressions » sur le Koweït. Le ministre le plus actif est évidemment Gérard Longuet, devenu, après mars 1986, ministre délégué aux P et T. Il demande au ministre de l'Economie de l'époque, Edouard Balladur, d'intervenir lors de la tenue de la commission mixte franco-koweïtienne, les 16 et 17 décembre 1986, à Paris.
Mais, surtout, Gérard Longuet a chargé l'un des membres - officieux - de son cabinet de suivre particulièrement, et de près, cette affaire sensible. Ce conseiller, proche du ministre, est mandaté officiellement pour cette mission par une lettre de Gérard Longuet du 22 juillet 1986 que le juge Van Ruymbeke saisira bien plus tard à son domicile. Il doit récupérer une créance de 1 milliard de francs due par le Koweït, précise la lettre. Cet ancien ingénieur, Genia Constantinoff, recyclé dans le business international, n'a pas son pareil, paraît-il, pour négocier des contrats difficiles avec les pays de l'Est, mais aussi dans le monde entier. Il possède l'art des négociations ardues et subtiles, et sait trouver les arguments pour convaincre ses partenaires. Il va déployer toute sa science pour faire payer l'émirat. Il analyse soigneusement, pour le compte de son ministre, les rapports entre les différentes personnalités koweïtiennes : le prince héritier, Cheikh Saad, Premier ministre, le ministre des Communications, Khalid Al Jumeian, le vice-Premier ministre, Cheikh Sabah, sans oublier Rached El Rached, le ministre d'Etat chargé du conseil des ministres.
L'affaire, d'ailleurs, n'est pas évoquée lors d'une nouvelle rencontre de la commission mixte franco-koweïtienne, début 1988, puisqu'« un membre du cabinet de M. Longuet, M. Constantinoff, qui a suivi personnellement l'affaire, sera présent au Koweït et pourra sans doute avoir les contacts qu'il jugera nécessaires », écrit un haut fonctionnaire. Lors du voyage effectué au Koweït, fin janvier 1988, et dirigé par le ministre des Finances, Edouard Balladur, Genia Constantinoff fait partie de la délégation officielle aux côtés du directeur du Trésor de l'époque, Jean-Claude Trichet, et d'autres hauts fonctionnaires.
Lors d'une escale éclair de François Mitterrand au Koweït, Pierre Méhaignerie, alors ministre de l'Equipement, évoquera à son tour le délicat dossier de La Signalisation avec son homologue koweïtien.
Mais, début 1987, l'efficace Genia Constantinoff peut être satisfait : il pense aboutir rapidement. Et cela grâce à l'action d'une étrange société intermédiaire, choisie par le conseiller du ministre et, sans aucun doute, créée pour la circonstance... Il s'agit, en effet, d'un curieux intermédiaire pa- naméen, la Porwood Corporation, dont le représentant habite Lausanne. Une société bidon officiellement chargée d'une mission de « consultant ». En réalité, la Porwood se propose de récupérer les précieux dinars koweïtiens moyennant deux commissions : l'une de 20 % sur les sommes payées par le Koweït après ses réclamations et sur les pénalités de retard qui seraient « remisées » ; l'autre de 4,5 % sur les montants des garanties bloquées par l'émirat « et qui seraient levées défini- tivement ». Les « coms » doivent être payées en « devises convertibles » au compte n° 105 558 6266 du Crédit suisse, à Lausanne...
Le liquidateur tire les sonnettes
Apparemment, les « arguments » de la Porwood conviennent aux Koweïtiens, puisque, le 26 janvier 1988, un accord sur le règlement « définitif » est signé. Pour l'occasion, Genia Constan- tinoff, qui est décidément partout, représente la société La Signalisation... Mais, en échange, les fameuses « coms » doivent être payées dans les trente jours qui suivent le règlement des Koweïtiens. Prudence, prudence... Cet accord provoque au passage la colère des premiers intermédiaires suisses, la Société Egecena, qui estime avoir droit à une part du gâteau. Elle tentera d'ailleurs, à l'époque, d'obtenir de la justice koweïtienne le blocage de ces fonds. On reparlera bientôt de l'action de cette société en France.
Entre-temps, La Signalisation et la CGCT ayant été mises en liquidation, un administrateur judiciaire, Claude Altersohn, est chargé de s'occuper du règlement et de verser les commissions. Dès le 11 mars, la Porwood Corporation s'inquiète dans un courrier de la lenteur du règlement, déjà exigé dans deux lettres précédentes. Elle réclame même le versement des commissions par retour !
Le liquidateur, sans doute inquiet de devoir verser de telles sommes, tire les sonnettes des autorités politiques. Il écrit à Alain Madelin, alors ministre de l'Industrie, et à son ministre délégué aux P et T, Gérard Longuet, pour réclamer des instructions claires : « Faut-il payer ? »
Alain Madelin répond, le 7 mars, par une lettre détaillée, qui prouve sa bonne foi dans cette affaire : « En ce qui concerne le versement des commissions à la société Porwood Corporation Panama, je comprends que le dossier ne comporte aucun élément prouvant l'efficacité de ce nouvel intermédiaire dont le taux de commission semble élevé, et qu'il vous apparaît plus discutable. Je comprends aussi que le non-paiement, du moins dans un premier temps, de cet intermédiaire pourrait avoir des conséquences sur le règlement du solde, soit environ 37 millions de francs.
» La Cour des comptes a d'ailleurs déjà fait état dans son rapport sur La Signalisation d'observations sur l'existence pour les mêmes contrats de nombreuses rémunérations à "des prestataires de services" dont le rôle n'apparaît pas toujours clairement, et mon cabinet n'a été alerté que très tardivement de l'implication de Porwood lors d'une réunion le 17 février 1988.
» Dans ces conditions, je ne suis pas en mesure d'approuver le paiement des commissions à cet intermédiaire. Il serait donc utile que vous vous rapprochiez du ministère délégué des P et T, et des administrations qui ont l'habitude de suivre les problèmes de commerce extérieur pour avoir un avis sur l'opportunité d'effectuer ces versements. »
Deux semaines plus tard, Gérard Longuet répond à son tour à Claude Altersohn. Mais lui se montre beaucoup plus « positif » vis-à-vis de Porwood : « Comme je l'ai indiqué dans un courrier du 21 mars 1988 à mon collègue Madelin, répond Longuet au liquidateur, je considère que l'accord intervenu le 26 janvier, au moment de la réunion de la commission mixte franco-koweïtienne, est très favorable à nos intérêts. Il est incontestablement le fruit de l'action conduite depuis deux ans par mon collaborateur, M. Constantinoff. Le choix de la société Porwood comme intermédiaire apparaît donc absolument justifié a posteriori. Il est clair que son intervention a été déterminante, comme en témoigne d'ailleurs, ces jours derniers, le rapatriement, malgré un contexte juridique délicat, de la quasi-totalité des fonds restant dus par le Moc.
» C'est pourquoi je vous demande instamment de faire en sorte que le contrat signé avec cette société soit strictement exécuté dans les meilleurs délais. Tout retard ne pourrait que compromettre à l'avenir la position commerciale des entreprises françaises au Koweït. »
Le juge saisit une intéressante lettre
Cette lettre, également saisie en mai dernier par Van Ruymbeke et publiée dans Le Monde, fera l'effet d'une bombe, et renforcera considérablement le dossier judiciaire du conseiller rennais. Mais l'histoire des commissions ne s'arrête pas là, et la suite de l'affaire ne manque pas de piquant. Pour payer les fameuses « coms », le liquidateur devait accomplir une dernière formalité, à l'époque obligatoire : obtenir de la Direction des douanes l'autorisation de les verser à l'étranger. Cette disposition, supprimée depuis, faisait en effet obligation à toutes les entreprises devant verser des dessous-de-table à l'extérieur de la France de prévenir les Douanes. Ces « coms », bien qu'immorales, étant jugées nécessaires pour obtenir des marchés, les Douanes et le ministère des Finances se réservaient un droit de refus, et, surtout, un droit de contrôle sur ce qu'il faut bien appeler des pots-de-vin. Il fallait aussi éviter que des Français puissent toucher à l'étranger une partie de ces sommes, qui échappent évidemment à l'impôt.
Claude Altersohn va donc s'adresser au fameux bureau des Douanes, situé alors rue de la Tour-des-Dames, chargé d'autoriser ces mystérieuses transactions. Un bureau quasi protégé par le « secret défense ». Il demande l'autorisation de verser ces deux « coms » qui représentent - soyons précis - 11 568 000 francs pour celle de 20 % et 4 011 000 francs pour la « petite » de 4,5 %, soit, au total 15,5 millions de francs (3,2 % du contrat global). Claude Altersohn, dans sa demande, aura l'honnêteté d'avertir le directeur des Douanes : « En ce qui me concerne, écrit-il, je ne connais pas l'identité des personnes physiques appelées à bénéficier des commissions dont Porwood Corporation Panama doit assurer la répartition. » D'autres le savent pour lui... Le directeur des Douanes, à son tour, s'adresse à son ministre pour donner le feu vert. Le 22 avril 1988, le transfert d'argent est donc autorisé par le ministre de l'Economie de l'époque, Edouard Balladur.
On peut toutefois s'étonner que l'Etat français paie aussi facilement, sans savoir à qui vont profiter ces confortables commissions. Et s'interroger sur le rôle multicarte de Genia Constantinoff. Ce conseiller de ministre, qui utilise une société panaméenne pour faire verser des commissions occultes, s'affiche aussi comme représentant de la société La Signalisation. Cela fait beaucoup de casquettes pour un seul homme. La suite va montrer qu'elles coiffaient des opérations encore plus étonnantes. Car cette « transaction » - réussie - serait demeurée dans l'ombre sans la sagacité du juge Van Ruymbeke, empêcheur de « toucher en rond ». Toujours à la recherche d'une commission versée par la société Pont-à-Mousson à un intermédiaire nantais - un objectif de plus en plus lointain - le magistrat rennais a voulu vérifier les dires, très précis, d'une lettre anonyme reçue voilà un an. Le « courageux » scripteur racontait qu'une société française qui avait livré du matériel gazier à l'Algérie n'arrivait pas à se faire payer par ce pays. Le PDG de l'entreprise aurait alors sollicité, en 1987, l'aide d'Alain Madelin. Il aurait même été reçu par son directeur de cabinet.
Deux jours plus tard, le directeur financier de ladite société aurait eu la surprise de recevoir un coup de fil de Gérard Longuet en personne, le ministre des P et T ayant évidemment été saisi de l'affaire. Longuet aurait fait comprendre que l'intervention du ministère était possible, moyennant une commission de 3,5 % - destinée, aurait assuré l'homme politique, au Parti républicain. Elle devait être payée à l'étranger sur le compte d'une société appartenant à un certain... Genia Constantinoff. Ce « marché » n'avait pas eu de suite mais le magistrat rennais devait retenir le nom du « conseiller » Constantinoff.
Le 23 mai dernier, le juge récupère donc au domicile parisien du « conseiller » la lettre de mission de Gérard Longuet, qui révèle l'affaire du Koweït, et le lance sur une autre piste. Dans la foulée, Renaud Van Ruymbeke débarque à l'ancien siège de la CGCT, maison mère de La Signalisation, où il met la main sur la deuxième lettre du ministre Longuet adressée au liquidateur et l'incitant à payer au plus vite la Porwood... Longuet dément toute implication dans l'affaire du gaz algérien, mais, contacté par Le Point, refuse de s'exprimer sur le dossier de La Signalisation.
Un nom fait sursauter Van Ruymbeke
Cependant le juge, patient, ne s'arrête pas en si bon chemin. Il tire le fil de cette panaméenne pour savoir où l'argent a bien pu aboutir. Grâce à ses contacts suisses, Van Ruymbeke va remonter à la source. Une source bien passionnante. Il écrit dans le rapport adressé à son collègue de Nanterre : « Les investigations menées par le juge Thelin de Genève auraient révélé que 12 des 16 millions de la société Porwood, précisément gérée par M. Constantinoff, ont été virés en mai 1988 au profit d'une autre panaméenne, Suchy, dirigée par Alain Cellier (ami intime de Gérard Longuet), lequel gère encore à ce jour en toute impunité, poursuit le juge, un réseau de sociétés panaméennes détenant des avoirs supérieurs à 50 millions de francs... »
Le nom de Suchy, en effet, a dû faire sursauter Van Ruymbeke, car il connaît par coeur cette société-écran panaméenne qu'il avait découverte lors d'autres investigations (voir Le Point n° 1155, « Les juges font sauter les caisses noires »). Recherchant à l'époque l'origine d'une commission - encore une - versée sous la table pour l'achat du siège du PR, rue de Constantine, à Paris, Van Ruymbeke avait mis au jour une vaste toile d'araignée financière dirigée, via la Suisse, le Luxembourg et le Panama, par un banquier intime de Gérard Longuet - ils ont fait l'Ena ensemble - Alain Cellier. Cet important responsable d'une banque japonaise gérait, par l'intermédiaire de la société panaméenne Suchy et une fiduciaire suisse, des sommes considérables. Des dizaines de millions de francs ont ainsi tourné dans ces sociétés, à l'intérieur d'une noria d'autres panaméennes aux noms énigmatiques : Pepsi-Cola, Parasol, Xée, Club 54, Vancouver...
Dorénavant, on peut donc ajouter Porwood à la liste de ces sociétés-écrans. La maison mère Suchy a ainsi récupéré 12 des 15,5 millions de la « com » koweïtienne ; c'est-à-dire qu'ils sont tombés dans l'escarcelle d'Alain Cellier. Qu'en a-t-il fait ? On en est réduit aux hypothèses. Constitution à l'étranger d'une confortable caisse noire politique qui pouvait servir à beaucoup d'usagers ? Trésorerie d'élection présidentielle - à l'époque, certains membres du PR pouvaient en rêver ? Réserves commerciales en cas de recyclage dans l'industrie, tirelires personnelles pour les mauvais ou les bons jours ? Pour le savoir, il faudrait interroger Alain Cellier. D'autant que le juge suisse aurait, toujours selon le rapport du juge Van Ruymbeke, découvert que deux autres personnes ont profité du système Cellier : le banquier Rochon, beau-frère de Longuet, aurait ainsi perçu 3 millions de francs, et un autre proche de l'ancien ministre de l'Industrie, également membre, à l'époque, du cabinet d'Alain Madelin, Marc de Scitivaux, aurait récupéré 15 millions de francs, dont une partie en espèces, sur ce réseau. Gestionnaire de fonds, Marc de Scitivaux a pu également profiter du précieux réseau Cellier en tant que « professionnel » de l'investissement. Car, de toute évidence, vu l'importance des sommes brassées par le banquier Cellier, son système suisse devait dépasser largement le financement politique, pour assurer celui de beaucoup d'autres clients qui, aujourd'hui, doivent faire grise mine.
On ignore, en revanche, pourquoi deux commissions étaient nécessaires pour que La Signalisation rentre dans ses fonds. Une partie est certainement retournée dans les sables du désert ?
Le volet de l'affaire Cellier a finalement échappé au juge Van Ruymbeke, pour être confié au juge Filippini, à Paris, qui a déjà mis deux fois en examen - quasi secrètement - Gérard Longuet. Mais elle n'a jamais entendu Alain Cellier. D'où l'amertume de Renaud Van Ruymbeke, qui relevait, dans un rapport adressé au conseiller de la chambre d'accusation de Rennes : « J'ai régulièrement informé M. le procureur général de Rennes, destinataire, ainsi que le garde des Sceaux (à l'époque, Pierre Méhaignerie), des commissions rogatoires internationales, au fur et à mesure de la progression des investigations. Il était flagrant que les fonds placés à l'étranger étaient en train de s'évaporer. Néanmoins, le cadre restreint de la saisine définie par le ministère public et l'absence de poursuites contre Alain Cellier ne m'ont pas permis de demander aux autorités luxembourgeoises d'ordonner la saisie des fonds à titre conservatoire. Ces avoirs dépassent largement les 50 millions de francs et constituent un minimum, d'autres fonds étant sortis dans le passé du réseau sans que l'on en connaisse la destination. »
Bon courage !
En ce qui concerne l'affaire du Koweït, elle a rebondi récemment de façon inattendue. A la suite des révélations par la presse des découvertes de Renaud Van Ruymbeke, la société suisse Egecena, qui, à l'origine, devait servir d'intermédiaire, s'est bruyamment manifestée par l'intermédiaire de son avocat français, Me José Roseff. La société, s'estimant lésée par l'action de Genia Constantinoff et de la société Porwood - qui aurait, selon elle, récupéré les commissions à sa place - a porté plainte avec constitution de partie civile au parquet de Nanterre. D'où la nomination du doyen des juges de Nanterre, Alain Philibeaux, chargé de ce délicat dossier. C'est ainsi que son collègue Van Ruymbeke, dessaisi de l'affaire, lui a expédié la copie de toute sa procédure. Et c'est dans cette « transcription » que le magistrat rennais évoque la « compétence » de la Cour de justice de la République, seule instance susceptible d'instruire et de juger l'action des ministres en exercice.
Mais le juge Philibeaux s'est à son tour dessaisi, sur instruction du parquet général, du dossier en faveur de son collègue parisien Mireille Filippini. C'est donc ce magistrat qui instruit à présent l'ensemble du dossier Longuet-PR. A elle de décider si le renvoi en Cour de justice est nécessaire. Encore faut-il savoir jusqu'où cette affaire est montée et quels ministres sont concernés. Bon courage, Madame le juge !
Longuet relaxé dans l'affaire de sa villa tropézienne. L'ex-ministre reste mis en examen dans d'autres dossiers.
(3 mai 2004) Gérard Longuet en correctionnelle
L'ANCIEN MINISTRE des Télécommunications du gouvernement Balladur, Gérard Longuet, est jugé à partir d'aujourd'hui (03 mai 2004) par le tribunal correctionnel de Paris.
Il est soupçonné de recel d'abus de biens sociaux et de recel de contrefaçon, aux côtés de Michel Mauer, ex-PDG de la société de promotion immobilière Cogedim.
Selon l'accusation, Gérard Longuet aurait perçu 170 000 € de la Cogedim pour des prestations fantômes.
Pour tenter de dissimuler le côté fictif de ses prestations, l'ancien ministre est aussi soupçonné d'avoir remis à la Cogedim deux études, intitulées « les immeubles intelligents » et « le marché des téléports », réalisées en réalité pour le compte du ministère des Télécommunications par une experte, Agnès Huet, partie civile au procès.
Gérard Longuet, défendu par Me Jean-René Fartouat, l'avocat de Roland Dumas, espère un non-lieu.
Le Parisien, lundi 03 mai 2004, p. 14
-------
Gérard Longuet relaxé par le tribunal correctionnel
L'ancien ministre Gérard Longuet, actuellement sénateur UMP de la Meuse, qui était poursuivi pour recel d'abus de biens sociaux et recel de contrefaçon, a été relaxé mercredi (02 juin 2004) par le tribunal correctionnel de Paris.
M. Longuet est notamment prévenu de "recel d'abus de biens sociaux" pour avoir reçu, par le biais de sa société Avenir 55, la somme de 173.561 euros en rétribution de prestations de conseil fictives en faveur de la société immobilière Cogedim, à l'époque présidée par Michel Mauer, et d'avoir également "sciemment recelé des rapports contrefaits".
Mardi, le parquet avait requis la relaxe pour l'ancien ministre, qui comparaissait depuis lundi.
lexpress.fr, mercredi 02 juin 2004
-------
(Avril 2006, Marianne, 22 au 28 avril, p. 46) Un cumulard nommé Longuet
Gérard Longuet, sénateur UMP, conseiller régional de Lorraine, cumule les rémunérations.
En tant que parlementaire, il est soumis à une limitation de ses revenus: une fois et demie les 5 326 euros mensuels de son indemnité de la Haute Assemblée, limite qu'il tutoie en tant qu'élu puisqu'il perçoit 7 986 euros: par mois.
Avec la présidence de l'Afitf (Agence de financement des infrastructures de transports de France), l'organisme chargé du développement des autoroutes, il crève le plafond de revenus issus de ses mandats publics. Grâce à la magie de deux décrets et d'un arrêté, ce poste en principe bénévole s'est transformé en minifromage : 42 000 euros par an au titre d'indemnités, soit 3500 euros par mois.
Selon l'esprit d'une loi votée par la gauche en 1992, il n'aurait pas dit pouvoir bénéficier de cette rémunération. Mais le texte a des trous.
« Il s'agissait de limiter les rémunérations générées par la qualité d'élu. Quand nous avons écrit la loi, nous y avons inscrit les sociétés d'économie mixte. Malheureusement, les agences type Afitfi elles, n'y figurent pas », se désole Didier Mathus, député PS, à l'origine du texte.
Ce n'est pas tout. En perdant son fauteuil de président de la région Lorraine, Gérard Longuet a théoriquement perdu son chauffeur et sa voiture. Mais l'Afitf a signé avec La Poste la mise à disposition d'un chauffeur.
Pourquoi La Poste ? Parce que la signature de cette convention « régularise », selon le mot d'une porte-parole de La Poste, un état de fait, en « mettant fin à une situation d'emploi fictif». En tant qu'ancien ministre des PTT, Gérard Longuet bénéficiait d'un chauffeur. Une pratique à laquelle Thierry Breton a mis un terme l'année dernière.
Pour que Longuet puisse toujours être véhiculé par un postier, c'est l'Afitf qui paie.
Em.l., Marianne, 22 au 28 avril 2006, p. 46
---------
Polémiques après les propos de Gérard Longuet sur Malek Boutih AFP 11 mars 2010
A l'approche du premier tour des régionales Gérard Longuet a déclenché mercredi une polémique en jugeant préférable de nommer à la Halde (Haute autorité de lutte contre les discrimations et pour l'égalité) quelqu'un du "corps français traditionnel" plutôt que le socialiste Malek Boutih dont le nom circule avec insistance pour remplacer Louis Schweitzer.
M. Bouti est "un homme de grande qualité mais ce n'est pas le bon personnage" pour présider la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, a déclaré le patron des sénateurs UMP, invité mercredi de "Questions d'Info LCP/France Info/AFP".
A la question de savoir pourquoi M. Boutih ne correspondait pas, à ses yeux, au poste, il a répondu : "Parce qu'il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l'accueil de tous nos compatriotes. Si vous voulez, les vieux Bretons et les vieux Lorrains - qui sont d'ailleurs en général Italiens ou Marocains - doivent faire l'effort sur eux-mêmes de s'ouvrir à l'extérieur"."Si vous mettez quelqu'un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l'opération", a insisté M. Longuet.
Le PS, par la voix de son numéro deux, Harlem Désir, s'est aussitôt dit "scandalisé" par ces propos, demandant à l'UMP de les "condamner immédiatement avec la plus grande fermeté et à M. Longuet de présenter des excuses publiques à Malek Boutih. "Ces propos sont, bien plus qu'un dérapage, une véritable théorie raciale totalement contraire à l'idée de la Nation républicaine et à l'égalité des droits entre les citoyens de toutes origines", a affirmé l'eurodéputé en estimant que de telles assertions méritaient une saisine de la Halde. Fustigeant également des propos "d’un autre siècle", le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a jugé sur Public Sénat que "le rapport de la droite à l’immigration est consternant". "Ce n'est plus un dérapage, c'est une chute libre", a réagi le PCF Faouzi Lamdaoui, membre du Conseil national du PS, a demandé à Nicolas Sarkozy "de prendre toutes les mesures pour mettre fin au déchaînement d’un racisme décontracté, devenu le +sport+ préféré d’un pan entier de la droite française".
Même indignation du côté de SOS Racisme: "La vision véhiculée par M. Longuet (...) montre la conception ethnique qu’il s’en fait et qui rappelle la France de Maurras en contradiction avec la France républicaine qu’il est censé incarner", a dénoncé l'association antiraciste.
L'association Tjenbé Rèd de lutte contre les racismes, les homophobies et le sida juge que "cette logique Shadok masque mal un retour du refoulé assez évident chez un ancien militant d’extrême droite et M. Longuet pourrait utilement, soit déclarer plus clairement qu’il a du mal à digérer qu’un +bougnoule+ puisse diriger une institution française, soit retirer ses propos manifestement incompatibles avec les valeurs républicaines".
Dans un communiqué publié en fin d'après-midi, Gérard Longuet n'a pas retiré ses propos tout en se disant "désolé d'avoir choqué (son) compatriote Harlem Désir, tout comme" il est "désolé d'avoir sans doute choqué Malek Bouti dont (il) a reconnu volontiers les qualités personnelles"."J'ai simplement exprimé le désir que l'ouverture d'esprit soit portée par une personnalité moins politique et parfaitement sereine en qui puissent et doivent se reconnaître tous nos compatriotes dans leur diversité et dans leur unité", a-t-il ajouté. "Etre militant socialiste n'est certes pas un obstacle, mais ce n'est pas non plus un droit pour exercer une mission nationale à la Halde ou ailleurs", a souligné M. Longuet. ---------
Longuet dément avoir payé une maison grâce à une dotation en timbres rares 25.09.2010, 16h39 leparisien.fr
Le président du groupe UMP au Sénat, Gérard Longuet, a démenti dans l'édition du JDD de samedi avoir, dans le passé, financé en partie l'achat d'une maison avec des timbres rares reçus en tant que ministre des Postes entre 1986 et 1988, accusation soutenue par Martin Hirsch.
Dans son livre, "Pour en finir avec les conflits d'intérêts", l'ex-Haut commissaire aux solidarités actives révèle que pendant des années le président de la République, le Premier ministre, les ministres des Postes et des hauts fonctionnaires se voyaient régulièrement offrir par La Poste des épreuves de luxe de nouveaux timbres, très rares et donc très prisés des collectionneurs.
Certains avaient pour habitude de les revendre, se constituant alors de confortables primes. Sans le nommer, il évoque le cas d'un homme politique dont il avait eu à examiner le cas dans le cadre de ses fonctions au sein de la commission pour la transparence financière de la vie politique.
Apparaissait dans son patrimoine "une maison dans le sud de la France", dont l'intéressé expliquait qu'il avait pu la financer "en grande partie" par "la vente de timbres", poursuit M. Hirsch. Interrogé plus avant, il expliquait alors que ces timbres "lui avaient été offerts pendant son mandat" et que les ventes réalisées "se chiffraient à plusieurs centaines de milliers de francs".
Interrogé par le JDD, Gérard Longuet ne cache pas qu'il s'agit de lui mais oppose un démenti formel à Martin Hirsch, assurant qu'"évidemment cette maison n'a pas été pas été payée en timbres". Alors ministre des Postes, il reconnaît avoir bénéficié de la dotation en question et avance que la revente de ces timbres rapportait "l'équivalent de 1.000 euros pas mois". "Je recevais un chèque mensuel et cette rémunération était une prime déclarée. Mais pour payer ma maison avec cela, il aurait fallu que je sois ministre plus de cinquante ans".
C'est cette même villa qui avait valu à Gérard Longuet des investigations judiciaires dont il est finalement ressorti blanchi, ajoute le JDD.
Contacté par le journal, Martin Hirsch "maintient l'essentiel de ses écrits". "Je viens d'adresser une lettre à Gérard Longuet dans laquelle je lui rappelle ce qu'il avait déclaré à la commission", ajoute-t-il.
Dans son ouvrage, l'ancien haut commissaire raconte avoir eu confirmation de l'existence de cette tradition "très particulière" de dotation en timbres par l'ancien président de La Poste de 1990 à 1993, Yves Cousquer.
"Il n'avait plus en tête la liste exhaustive, au demeurant codifiée par le ministre, des bénéficiaires, mais il se souvenait du Premier ministre et du ministre en charge des PTT. A la question de savoir si l'un d'entre eux avait renvoyé ces hommages philatéliques, la réponse semblait négative", écrit-il.
Le système, qu'il qualifie de "l'un des secrets les mieux gardés de la République", a été arrêté "au milieu des années 1990", sous le mandat de Jacques Chirac, ajoute Martin Hirsch. --------
Longuet "ne casse la gueule à personne" Par Aurélie Frex europe1.fr Publié le 25 novembre 2010 à 08h55 Mis à jour le 25 novembre 2010 à 10h14
Gérard Longuet est revenu jeudi sur un épisode révélé cette semaine par le Canard enchaîné.
"Je ne casse la gueule à personne. En cour de récré, ça m’est arrivé quand j’étais gamin, depuis je me suis calmé", a lancé avec humour Gérard Longuet, jeudi sur Europe 1.
Le président du groupe UMP au Sénat revenait ainsi sur un épisode raconté par le Canard enchaîné cette semaine. Déçu de ne pas s’être vu proposer un ministère, il aurait, d'après l'hebdomadaire, gratifié le président de la République d’un "tu sais que j’ai envie de te casser la gueule !".
"J’aurais préféré qu’on me dise que 'mon vieux, c’est pas possible pour tout un tas de raisons', ça m’aurait évité de rêver", commente-t-il, pas satisfait de la façon dont, pressenti pour le ministère de l’Industrie, il en a finalement été évincé.
"Je n’ai pas de talent pour défendre mes intérêts personnel, je défends mieux les intérêts des autres", regrette-t-il, avant de lancer avec humour : "je le dis, et c’est la veille de la Saint-Nicolas !" --------
Longuet s'en prend à Sarkozy Actu France-Soir 04/12/10 à 18h17
Le patron des sénateurs UMP n'a apparemment toujours pas digéré la composition du nouveau gouvernement de François Fillon.
Il y a de la « déception » dans les mots de Gérard Longuet, une déception née un certain dimanche de novembre quand le patron des sénateurs UMP a eu connaissance de la composition du nouveau gouvernement, dont la seule préoccupation semble être, pour lui, le « premier tour de 2012 ».
Dans un entretien accordé au Monde de dimanche-lundi, il fait savoir qu'il aurait aimé « des formes de politesse » de la part du président Nicolas Sarkozy. « L'ouverture à l'ensemble de la majorité n'est pas réussie dans la composition de ce gouvernement: une fois enlevés les chiraquiens historiques, il reste peu d'acteurs », poursuit le sénateur de la Meuse.
« Quand on forme un gouvernement restreint, il faut à la fois des critères d'exclusion et des formes de politesse. Les critères n'étaient pas clairs et les formes expéditives », assène celui qui était pressenti pour décrocher un portefeuille ministériel. « J'ai un très beau job. Il suffisait de me demander de le garder et je le comprenais.
Gérard Longuet vient de franchir victorieusement la première étape
d'un long parcours judiciaire. La 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a relaxé hier le président du conseil régional de Lorraine, poursuivi pour recel d'abus de crédit. Il lui était reproché d'avoir obtenu des conditions de paiement particulièrement avantageuses pour la construction de sa villa de Saint-Tropez au début des années 90, de la part de l'entreprise meusienne René Céréda SA. René Céréda, poursuivi pour abus de crédit, a également été relaxé.
Ouverte fin 1994, l'information judiciaire avait d'abord porté sur les délits d'abus de biens sociaux et de recel. Confié au juge d'instruction Mireille Filippini, le dossier de la construction de cette villa n'était que l'un des éléments d'un puzzle qu'il aurait été nécessaire d'assembler si la justice s'était montrée désireuse de pousser ses investigations. Pour comprendre, par exemple, comment Gérard Longuet s'était procuré les fonds nécessaires à travers ses sociétés Avenir 55 et Investel: mais ce morceau des démêlés judiciaires de Gérard Longuet n'a pas été regroupé avec celui de la villa. Ou pour vérifier si le choix d'une entreprise de la Meuse n'avait pas quelque relation avec la façon dont sont attribués les marchés publics dans ce département, terre d'élection de Gérard Longuet. Au cours de l'année 1996, la chancellerie avait suggéré au parquet de Paris de nombreuses investigations complémentaires. Le procureur de Paris, Gabriel Bestard, s'était contenté de demander au juge quelques menues vérifications. Mireille Filippini, mécontente que l'on vienne ainsi l'ennuyer, avait opposé une fin de non-recevoir, refusant de poursuivre son instruction. Le parquet ne faisait pas appel.
Ces contradictions, ces incohérences débouchaient en octobre sur un procès impossible. Au dernier moment, Anne-José Fulgeras, substitut du procureur, tentait de sauver un édifice en voie de démolition, en apportant de nouvelles pièces. Elle évoquait dans son réquisitoire les «mariages douteux entre le pouvoir et l'argent». Et revendiquait une requalification pour abus de bien social. En vain. Bruno Steinman, le président de la 11e chambre, a refusé d'entendre ces rattrapages de dernière minute. Et s'en est tenu au droit. L'origine des fonds? «Il n'appartient pas au tribunal de ce siège, qui n'en est pas saisi, d'apprécier leur caractère éventuellement pénalement répréhensible», note le jugement. L'abus de bien social est écarté en quelques phrases lapidaires: le coût pour l'entreprise «n'est certain ni dans son montant ni même dans son principe», souligne Bruno Steinman. «Le crédit consenti par René Céréda à Gérard Longuet procède donc des facilités qu'un entrepreneur est en droit d'accorder à un client», estime enfin le tribunal, avant d'accorder la relaxe. Lors du procès, l'avocat de Longuet, Jean-René Farthouat, s'était emporté contre les numéros de «trapèze judiciaire» auxquels la justice s'était livrée dans l'affaire Longuet. Bruno Steinman s'en est tenu aux minces fils qui subsistaient dans le dossier.
Le procès de la villa hypothéquait en partie la carrière politique de Gérard Longuet. Saluant «l'indépendance de la justice», il a annoncé qu'il ferait part mardi prochain au conseil régional de Lorraine de ses intentions. Une période de calme s'ouvre pour lui d'ici les élections régionales, qu'il devrait mettre à profit. A moins que le juge d'instruction Mireille Filippini ne décide de se réveiller, d'ici là, dans les autres dossiers où est impliqué l'ex-député.
Les propos tenus par le président du groupe UMP du Sénat ne peuvent être considérés comme accidentels. Patrick Roger, dansLe Monde reprenait les mots exacts de Gérard Longuet qui ne se contente pas d'un seul «corps français traditionnel».
Rappelons qu'aux dernières universités d'été de l'UMP, ce n'était pas uniquement la phrase de Brice Hortefeux qu'il fallait retenir. Les ricanements et allusions de militantes autour du ministre de l'intérieur, enregistrés et peut-être même insuffisamment diffusés ou rediffusés, traduisaient le profond dérapage jusqu'où mène l'humour lorsqu'il se décline sur le modèle de la discrimination positive !
Lors de l'émission sur la chaîne « Public-Sénat », le président du groupe sénatorial UMP a prolongé son argumentation comme s'il voulait, absolument, trouver une justification à sa construction, pas si personnelle mais partagée, de l'identité française : un sol, une consonance, une religion . « J'aimais bien Schweitzer, parce qu'il parlait au nom d'une certaine tradition. En quelque sorte, c'est le primat des Gaules qui défendait la lutte contre les discriminations Schweitzer, c'est parfait. Un vieux protestant, la vieille bourgeoisie protestante, parfait ».
De quel droit un homme politique se permet de livrer sur les ondes, sans y être autorisé, la religion d'une autre personne. Qui plus est... associer cette appartenance religieuse à un code de bonne conduite qui détermine les religions qui auraient, donc, droit à « l'investiture » et celle qui en seraient écartées !
Comment des sénateurs UMP, certains appartenant aux loges maçonniques, peuvent-ils accepter une telle intolérance, une telle discrimination volontaire. Le « corps français traditionnel » de Gérard Longuet s'appuie donc sur l'appartenance à un sol qui exclut le « symbolique extérieur », à la consonance d'un patronyme ou d'un simple prénom, à la pratique d'une religion « conforme » aux racines chrétiennes de l'Europe que certains se proposaient d'imposer dans le préambule de la constitution européenne, peut-être même - puisque le mot a été prononcé - de l'appartenance à une bourgeoisie rassurante et gage de respectabilité.
De tels propos n'engagent, selon un porte-parole de l'UMP, que l'intéressé ! Non...Ils engagent aussi les sénateurs qui l'ont élu à la présidence de leur groupe. La moindre des convenances aurait consisté à remettre sa démission de président de groupe devant ses pairs et en parler avec eux. Le silence de l'un, le silence de tous les autres valent donc signature d'un chèque en blanc. Le président du Sénat a eu bien tort de créer un comité de déontologie parlementaire car ce ne sont pas des usages de la supposée « profession » des sénateurs dont il faut débattre mais de leur morale et de leur conduite, dans et hors du Parlement, au sein d'une vraie instance qui n'aurait pour nom que celui de comité d'éthique.
Denys Pouillard