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5 février 2011 6 05 /02 /février /2011 13:39
(Article en provenance du Courrier des Balkans) En Bosnie, tout prévenu qui encourt plus de dix ans de prison doit être défendu par un avocat. Sur les quelques 100 accusés de crimes de guerre actuellement jugés par la Cour de justice nationale, seuls quatre sont en mesure de payer eux-mêmes leurs avocats. La défense des autres coûte des millions de marks convertibles aux contribuables. Explication.

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Si l’État paie leur défense, c’est parce qu’ils prétendent « ne pas avoir d’argent » et conformément à la Loi sur la procédure pénale de Bosnie-Herzégovine, les personnes accusées ou soupçonnées d’un crime pour lequel elles encourent une peine de prison de plus de dix ans doivent avoir un avocat.

Dans une déclaration à BIRN – Justice Report, Gojko Kličković, ancien Premier ministre de Republika Srpska accusé devant la Cour de Bosnie-Herzégovine de crimes de guerre commis à Bosanska Krupa, a déclaré avoir choisi son conseil dans une liste d’avocats commis d’office car il n’avait pas les moyens de le payer. Il explique en outre qu’il est dans l’impossibilité de financer sa défense à cause de la durée des procès : deux ans à raison de plusieurs entrevues par semaine.

Selon les données de la Cour, les dépenses nécessaires à la défense d’un accusé atteignent des dizaines de milliers de marks convertibles (1 mark convertible = 0,50 euros environ, NdT) chaque année. Ce montant comprend les témoignages d’experts, les déplacements sur le terrain et autres, tandis que les honoraires de l’avocat s’élèvent à 20.000 marks environ (près de 10.000 euros) selon la fréquence de l’ordonnancement du procès.

Toutefois, les avocats commis d’office considèrent que cela ne représente pas un profit important car beaucoup de temps et d’argent sont consacrés à préparer la défense. En outre certains avocats critiquent, le considérant comme injuste, le fait de pouvoir choisir son avocat car certains d’entre eux doivent s’occuper de plusieurs affaires à la fois tandis que d’autres n’ont pas de travail.

En effet, les accusés choisissent un avocat commis d’office sur la liste du Département de la Défense pénale (OKO) qui fournit un soutien juridique et administratif devant la Cour.

En plus des honoraires, la législation en vigueur permet aux avocats de couvrir leurs frais de déplacement et d’hébergement si nécessaire, ainsi que leurs travaux en dehors de la salle d’audience. La venue à la Cour d’un avocat est payée 390 marks (environ 200 euros) et s’il s’agit d’une audience qui détermine une garde à vue, l’avocat reçoit environ 430 marks (environ 220 euros).

Aux frais des contribuables

Le coût de la défense des onze accusés de génocide à Srebrenica par exemple, dont le procès a duré près de quatre ans, s’est élevé à plus d’un million et demi de marks (environ 750.000 euros), et ce aux frais des contribuables car chacun des accusés avait à sa disposition deux avocats commis d’office.

Miloš Stupar, l’un de ces accusés, a été condamné à 40 ans de prison en première instance. La Chambre d’appel a annulé le verdict et ordonné la révision du procès. Les frais engagés par sa défense lors de la révision devant la Chambre d’appel de la Cour, se sont élevés à quelques 13.000 marks et ils ont à nouveau à la charges des citoyens de Bosnie-Herzégovine. En deuxième instance, Miloš Stupar a été acquitté.

À la Cour de Bosnie-Herzégovine, seuls quatre accusés et un suspect paient eux-mêmes leur défense : Marko Radić, Miroslav Anić, , Enes Handžić et Zulfikar Ališpago.

Marko Radić, un ancien commandant du premier bataillon de Bijelo Polje du Conseil de défense croate (HVO), a été inculpé pour des crimes commis à Vojna près de Mostar. En première instance, il a été condamné à 25 ans de prison, mais la Chambre d’appel a annulé le verdict et ordonné un nouveau procès, qui est toujours en cours.

Enes Handžić, ancien commandant adjoint à la sécurité de la 307ème brigade de l’Armée de Bosnie-Herzégovine est en procès pour des crimes commis contre des Croates à Bugojno et Mehura Selimović, ancien adjoint au chef de section du service pour la sécurité militaire au sein du Vème corps de l’Armée de Bosnie-Herzégovine, pour des crimes commis à Bosanska Krajina.

En cours également, le procès de Zulfikar Ališpago, ancien commandant du détachement « Zulfikar » de l’Armée de Bosnie-Herzégovine, accusé de crimes commis à Trusina (municipalité de Konjic), tandis que Miroslav Anić, un ancien membre du HVO soupçonné d’avoir commis des crimes à Kiseljak et Vareš, est désormais détenu depuis qu’il s’est rendu aux autorités de Bosnie-Herzégovine.

D’autres, comme Gojko Kličković, prétendent qu’ils n’ont pas les moyens de financer leur défense. « Il est impossible de payer. Mon affaire a duré plus de deux ans et nous avons eu des audiences plusieurs fois par semaine. Je n’avais pas d’argent pour rémunérer mon avocat et je pense que de nombreux accusés sont dans la même situation », déclare l’ancien président de la Présidence de guerre et commandant de la cellule de crise de la municipalité serbe de Bosanska Krupa.

Zlatko Knežević, avocat à la Chambre des crimes de guerre, estime que l’argent perçu par les avocats n’est pas significatif, que les revenus perçus à la Cour ne peuvent pas être considérés comme un bénéfice notoire. « Je ne travaille pas sur les affaires de crimes de guerre pour l’argent. Je suis convaincu que ces affaires sont les plus intéressantes du point de vue juridique car elles font partie de l’Histoire et j’y vois également une chance de me confronter à d’excellents procureurs. Pour moi, cela représente un défi, les gains entrent moins en ligne de compte », affirme-t-il.

Zlatko Knežević, qui travaille actuellement sur trois affaires auprès du Tribunal de Bosnie-Herzégovine, critique toutefois le fait que les mêmes avocats soient toujours appelés à travailler sur les affaires de crimes de guerre. « Il n’est pas normal de voir toujours les mêmes conseils dans les cas de crimes de guerre. Il est vrai que les accusés choisissent seuls leur avocat sur la liste du Tribunal, mais il me semble qu’il devrait là aussi y avoir une sélection. Je ne pense pas qu’un avocat puisse mener plus de trois affaires simultanément sans que cela ait une incidence sur la qualité de son travail », souligne-t-il.

Du fait justement que certains conseils mènent de front plusieurs affaires, on peut se poser la question de savoir à quel point ils peuvent se consacrer à la défense d’accusés qui ne les payent pas et pour lesquels ils ont été commis d’office.

Dîner, cadeaux…

Afin d’être sûrs d’obtenir une défense adéquate de la part de leurs avocats commis d’office, il n’est pas rare que les accusés leur offrent des cadeaux. « Je n’ai pas eu la chance que la famille d’un accusé me ‘motive’ par de l’argent mais il peut arriver que celle-ci vous offre un déjeuner, un dîner ou des cadeaux symboliques. Je pense que c’est acceptable, la famille vous montre ainsi qu’elle est satisfaite. Je n’y vois aucun problème », explique l’avocat Dušan Tomić.

Zlatko Knežević affirme pour sa part défendre « la masse pauvre et amère », ceux qui n’ont d’argent ni pour des visites régulières à leur famille, ni pour des cigarettes ou des billets de car lorsqu’ils sont en liberté. « Ceux qui avaient de l’argent, cela fait longtemps qu’ils ont disparu de Bosnie-Herzégovine ou ils sont actuellement en jugement à La Haye. Les pauvres gens, peu importe ce qu’ils ont fait ou ce pour quoi ils sont suspectés, ne peuvent même pas survenir à leurs besoins alors comment pourraient-ils en plus récompenser leurs avocats », explique-t-il.

Dušan Tomić, souvent choisi comme commis d’office par les accusés pour les défendre, explique que cela est probablement dû à son exposition médiatique excessive. « Il est vrai qu’il s’agit toujours un peu des mêmes avocats, et j’en fais moi-même partie, mais pratiquement un détenu sur deux cherche à ce que je le défende », soupire-t-il, expliquant que les médias qui couvrent les procès « donnent aux gens l’illusion que certains avocats sont tout-puissants » et les incitent ainsi à toujours choisir les mêmes défenseurs.

Gojko Kličković, qui a lui aussi choisi Dušan Tomić comme avocat, déclare l’avoir choisi sur « recommandation d’un ami ». En novembre 2010, Kličković a été acquitté de l’accusation d’avoir participé à des crimes commis à Bosanska Krupa en 1992. Outre Tomić, il avait à sa disposition un avocat supplémentaire et a également participé lui-même à la préparation de sa défense. « Je crois néanmoins que les avocats travaillent sur de nombreuses affaires à la fois et je ne pense pas que cela soit une bonne chose. J’ai été satisfait de mes avocats, mais justement à cause du nombre important d’affaires dont mon avocat s’occupait, je me suis attelé moi-même à la préparation des preuves matérielles tandis que mes avocats travaillaient sur le terrain », a déclaré Gojko Kličković.

En ce qui concerne l’efficacité de la défense, Dušan Tomić, qui défend actuellement quatre accusés et un suspect, affirme que si l’avocat doit gérer plus de trois affaires, il ne lui est pas possible de préparer convenablement la défense. Il souligne cependant que le choix du nombre d’affaires est une « chose individuelle », propre à chaque avocat. « Les chirurgiens aussi pratiquent chaque jour plusieurs opérations difficiles et cela n’a jamais été une raison pour les remplacer ou pour réduire l’ampleur de leur travail. Le métier d’avocat, cest comme l’artisanat, c’est une profession qui à la longue devient une routine et, à mon avis, le nombre d’affaires sert à faire d’un avocat un grand avocat », conclut-il.

Afin que les procès ne s’éternisent pas inutilement, le Conseil de la magistrature prend soin de ne pas attribuer à l’accusé un avocat qui travaille sur un trop grand nombre de cas. Il arrive également parfois que les avocats eux-mêmes, parce-que trop occupés, soient obligés de décliner certaines offres.

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