Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, s'exprime le 4 avril 2011 devant des étudiants à Washington

Dans un discours prononcé devant les étudiants de l'Université George Washington, le directeur général du FMI est apparu en rupture avec la tradition orthodoxe de l'institution avec cette critique en règle du libéralisme.

Quand les conclusions de la crise économique et financière mondiale auront été tirées, a-t-il estimé, "la balance penchera, au moins un peu, moins en faveur du marché et davantage en faveur de l'Etat".

Car la crise "a dévasté tout le fondement intellectuel de l'ordre économique mondial du dernier quart de siècle", a-t-il ajouté.

"Le schéma ancien de la mondialisation a beaucoup apporté, en sortant des centaines de millions de gens de la pauvreté, mais a aussi un côté obscur, qui est un écart vaste et croissant entre les riches et les pauvres", a souligné M. Strauss-Kahn.

Il a opposé une "mondialisation des échanges" qui serait "associée à une baisse des inégalités", et "une mondialisation financière" qui "les a accrues".

Selon le patron du FMI, dans de nombreux pays, "il y a une sorte de mélange de chômage et d'inégalités sociales, qui peut entraîner des troubles sociaux". Or "l'inégalité pourrait avoir été l'une des causes silencieuses de la crise".

M. Strauss-Kahn a cité entre autres des statistiques établies par deux économistes français classés à gauche, Thomas Piketty et Emmanuel Saez. Se basant sur des données du fisc américain, ceux-ci ont montré qu'en 2007, à la veille de la "grande récession", le niveau des inégalités aux Etats-Unis était au plus haut depuis 1928, à la veille de la "grande dépression".

M. Piketty est l'un des inspirateurs du projet du PS pour l'élection présidentielle de 2012, baptisé "Le changement", qui doit être présenté mardi par la direction du parti, dont M. Strauss-Kahn envisage d'être le candidat à l'Elysée.

Avec M. Saez et un autre économiste français qui a étudié les inégalités en France, Camille Landais, M. Piketty est l'auteur d'un livre intitulé "Pour une révolution fiscale".

"Il est clair que la croissance doit se faire avec une distribution des revenus plus équitable", a considéré M. Strauss-Kahn.

D'un point de vue fiscal, il a relancé sa proposition de double taxe sur le secteur financier (une sur la taille du bilan, une sur les profits), que le FMI avait lancée en avril 2010 et qui avait été enterrée par le G20.

"Le succès a été limité jusqu'ici, mais je crois toujours qu'elle est nécessaire", a-t-il souligné.

"J'aime dire que la main invisible ne doit pas devenir le poing invisible", a lancé M. Strauss-Kahn. Car, dans le secteur financier, "la culture de la prise de risque échevelée [...], je suis désolé de le dire, est toujours vivante".

Après le discours, M. Strauss-Kahn a été amené à parler de la France en répondant à une étudiante qui lui demandait ce qu'il préconisait pour améliorer le fonctionnement des marchés du travail en Europe.

"Il y a beaucoup à faire en Europe. Cela a été déjà énuméré par les différentes analyses que le FMI a faites pour les différents pays, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, la France, de plus petits pays [...]. Et ils ont le même type de problème: les marchés du travail, qui ont certainement besoin d'une réforme, des rigidités, davantage dans certaines économies que dans d'autres", a-t-il dit.

"Différents types de réformes doivent être mises en oeuvre. Elles sont peut-être la façon d'éviter la reprise léthargique qu'ils connaissent maintenant", a considéré M. Strauss-Kahn.