Marine Le Pen
Marine Le Pen a l'art d'occuper le vide...
Parfois je ravale ma rage en constatant que je prêche dans le désert…En me rendant dans presque toutes les communes du canton de Créon je vérifie facilement que, quand on est simplement sincère, il est difficile de faire partager ses convictions. Le taux d’appropriation d’une explication rationnelle est en effet extrêmement faible car elle se heurte au mur des certitudes établies. Un discours sur les conséquences des réformes sarkozistes de 2010 de passionner les auditoires qui viennent simplement entendre des propos pouvant les rassurer.
Je suis et je resterai, selon les analystes, pessimiste car notre société serait susceptible de réagir et donc d’inverser une tendance la conduisant à des excès pour le moins préoccupants. La théorie du "dormez tranquilles, nous nous occupons de vous" a toujours ses adeptes, comme si l’avenir n’appartenait qu’à celles et ceux qui se réveillent trop tard. C’est déprimant car il faut sans cesse se re-motiver pour ne pas être pris par cette tentation tellement répandue de l’indifférence. Engoncé dans sa vision de supermarché de la Gauche qui ouvrira ses portes pour des primaires épouvantables, le Parti socialiste se prépare à mettre en place ses têtes de gondole présidentielles destinées à attirer les consommatrices et consommateurs de ce qu’il croit être la politique.
La catastrophe menace mais la grande majorité des "clans" continue à avancer vers le précipice par résignation ou par simple souci de ne pas voir les autres éventuellement gagner.
Dans le Journal du dimanche d'hier, Daniel Cohn-Bendit annonçait sur 2012 et la victoire du chef de l’Etat français candidat à sa réélection : "Je n’en sais rien. Je ne vois pas la gauche gagner et je ne vois pas Sarko gagner ! Sarko est fort et en face, on peut tout faire pour un suicide politique collectif de grande ampleur". Je partage totalement son avis quand je constate sur un sujet précis quelle est la manière dont a réagi la très grande majorité des élus se disant de Gauche : la laïcité.
En mai dernier avec Gauche avenir et Guy Georges nous avons lancé l’opération symbolique des "arbres de la laïcité" afin que personne ne puisse récupérer cette valeur essentielle pour le vivre ensemble. Personne n’a vraiment participé à cette action qui aurait pu constituer une appropriation républicaine fondatrice d’une nouvelle donne sociale. J’avouerai même que j’ai eu l’impression d’être oublié, raillé, ignoré par les "gens qui comptent en politique". Sans le dire car l’époque est à l’hypocrisie agissante, ils ont regardé cette "plantation" comme une idée saugrenue et ayant des finalités personnelles. En Gironde une trentaine d’élus s’est mobilisée pour, au minimum, rappeler le poids de la laïcité dans une société en crise idéologique. Les autres ont oublié le rendez-vous avec l’histoire de 1905 laissant ainsi le champ libre aux récupérations.
La nature ayant horreur du vide… depuis quelques heures la place a été occupée et l’idée partie de Créon un 19 mai a été "récupérée" sans vergogne par Marine Le Pen. Certes il y aura des réactions outrées, des communiqués de presse ulcérés, des messages assassins mais c’est terminé ! La chance est passée d’avoir mis en œuvre un mouvement de fond massif et significatif. Oui j’accuse la gauche d’avoir laissé le champ libre à ses outrances par une incapacité à adhérer à une idée qui ne vient pas du sommet mais qui serait inspirée par la base… se colletant aux réalités décevantes du quotidien.
"Les véritables défenseurs de la République laïque, c’est nous !" a proclamé, Marine Le Pen dans un discours "national socialiste" de candidate à l’Élysée dimanche. Et je dois l’admettre, elle a répondu aux attentes du peuple que j’ai rencontrées, avec désespoir, tout aujourd’hui autour des tables de vœux. Quelle femme ou homme de Gauche clamera simplement, clairement, fortement qu’il est essentiellement un défenseur de la République.
D’abord elle a fait confiance avec habileté aux "militants du Front national" unis. Alors que le PS va, moyennant une signature débile et sans aucune valeur fondatrice d’une conviction, offrir un chèque en blanc à des votants venus de nulle part.
Ensuite tendant la main à l’électorat populaire de gauche elle a cité la phrase célèbre de Jaurès – "La patrie est le seul bien des pauvres" que la gauche elle-même a abandonné car ne correspondant pas à sa volonté de conquérir un électorat différent des pauvres suspectés de ne pas venir voter. Elle a défendu le rôle de l’État, ultime recours "à l’heure où la crise et la mondialisation font rage" alors que tout le monde constate que non seulement l’Etat sarkoziste refuse d’agir sur ses compétences historiques (éducation, justice, sécurité…) et transfère vers les collectivités affaiblie, déstructurées, démobilisées les problèmes qu’il refuse de gérer.
La privatisation outrancière fait le lit du Front national et Marine Le Pen le sait fort bien car elle vendange dans les vignes de l’inégalité et de la désespérance. Elle a donc vanté la République qui, prenant le relais de la monarchie, "a forgé la nation". Revendiquant tout cet héritage, Marine Le Pen a présenté son parti comme "un grand parti républicain" et a lancé : "La démocratie ne nous fait pas peur", profitant ainsi de la faiblesse du camp adverse tétanisé par des principes simples mais fondateurs du vivre ensemble.
Marine Le Pen a un boulevard devant elle… Il lui aura suffi de prononcer un mot pour se donner à la fois une virginité idéologique et pour devenir inattaquable sur la mis en cause des valeurs républicaines par son camp. Elle a opéré une captation d’héritage des thèmes traditionnels de la gauche laïque. Qu’elle squatte les espaces de la droite, rien de plus normal, elle en fait partie et dans le fond ce n’est pas mal mais elle a surtout profité de la passivité de la Gauche. Elle déforme et torture le principe de laïcité mais comme tout le monde a détourné le regard pour ne pas être accusé d’être un "bouffeur de curé" ou "un anti-religieux primaire", elle avance triomphante vers le second tour des présidentielles… par manque de courage, par indifférence, par passivité coupable la Gauche a donné les clés de la maison commune à Marine Le Pen. Je n’ai que l’espoir d’avoir mis mes actes en accord avec mes convictions mais avec le poids d’une plume écrivant des chroniques inutiles.